La sortie de vive force

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La sortie de vive force

L'Histoire
« La vérité »

sur la sortie de vive force de Bir Hakeim
dans la nuit du 10 au 11 juin 1942.

par Alain Magon de la Villehuchet

Est-ce à dire que cette vérité n’est pas connue, ou qu’on essaie de nous cacher quelque chose ? Au cours de mes recherches sur Bir Hakeim, j’ai été interpellé par les contradictions dans les nombreux témoignages disponibles sur cette phase finale de la bataille, d’autant plus que certains silences, certaines insinuations ou inexactitudes manifestes mettaient en cause l’action du génie, ce que je ne pouvais admettre sans un examen approfondi. Ainsi des témoins apparemment sérieux relatent avec assurance, mais de façon approximative, des évènements auxquels ils n’ont manifestement pas pu assister, soit parce qu’ils étaient ailleurs, soit parce que les faits rapportés se sont produits à un autre moment ou à un autre endroit… En fait ils semblent faire cadrer leurs déclarations avec une version officielle, établie après coup…

En réalité, la sortie de vive force de Bir Hakeim a constitué longtemps un sujet sensible, puisque cette opération a donné lieu à une polémique ouverte entre le Général Koenig et le Capitaine Gravier, son sapeur. Aujourd’hui, le moment est venu de parler librement de ce sujet, pour que l’Histoire ne s’égare pas dans les pièges de l’historiographie à propos d’un événement dont la portée reste considérable.
En recoupant soigneusement les témoignages, je pense avoir aujourd’hui une vision assez claire de la chronologie du déroulement de la sortie de vive force de la « forteresse du désert ». C’est ce que je vais vous conter maintenant, me réservant de conclure par quelques considérations plus personnelles sur cette affaire.






Le 9 juin 1942, on se bat déjà depuis deux semaines à Bir Hakeim. Rommel s’entête contre ces Français qui l’ont habitué à moins de résistance, retranchés dans un point d’appui soigneusement fortifié, et dont la situation, à l’extrémité Sud de la ligne de défense alliée, fait peser, pense-t-il, une menace sérieuse sur la logistique de ses Panzers, profondément engagés dans un mouvement offensif Sud-Nord vers Tobrouk.

Les conditions du combat sont extrêmes: la position est assiégée par des forces dix fois supérieures, soumise au pilonnage incessant, de jour comme de nuit, des 220 pièces d’artillerie rassemblées par Rommel, à des bombardements aériens par vagues nourries de Stukas, plusieurs fois par jour, à des assauts blindés et d’infanterie qui vont jusqu’au corps à corps. Il fait 50°C aux heures chaudes de la journée, l’eau est rationnée, les hommes sont épuisés de fatigue, de soif, de manque de sommeil, sales, mangés par la vermine, étourdis par le fracas des bombardements. Pourtant ils tiennent, à la limite de leurs capacités de résistance…Le 9 juin, en fin d’après-midi, les Allemands ont investi l’observatoire d’artillerie des Mamelles, à la cote 186, mais ils ne pénètreront pas plus avant sur la position.

C’est alors que la 8ème Armée fait savoir au Général Koenig que la position de Bir Hakeim n’est plus essentielle pour le développement des opérations, évoquant deux options possibles, soit un maintien dans la position avec ravitaillement par air, soit une évacuation. Mais il est clair que la 8ème Armée, qui a perdu l’essentiel de ses blindés dans la bataille du Nord, n’est plus en mesure de monter une opération pour rompre l’encerclement de Bir Hakeim. L’échec d’une tentative de livraison par air au cours de la soirée du 9 confirme le caractère utopique de l’acheminement journalier par cette voie des 6 tonnes d’eau et des 32 tonnes de munitions  nécessaires à la poursuite du combat.
Dans l’esprit du Général Koenig, il n’est pas envisageable d’accepter la neutralisation de la 1ère BFL, cette magnifique unité qui cristallise les espoirs de la France combattante, très bien équipée par les Alliés, constituée des élites clairvoyantes de la jeunesse française et de l’Empire qui ont répondu dès l’origine à l’appel du Général de Gaulle, et qui viennent de montrer leur valeur et leur détermination. A titre individuel, pas un volontaire de la Brigade, combattant ou blessé, n’accepterait de tomber entre les mains des Allemands, sans combattre ou à court de munitions. C’est pourquoi, soucieux de trouver une solution conforme à l’honneur militaire et de préserver pour l’avenir les capacités de combat de la Brigade, le Général Koenig décide d’opérer, dans la nuit du 10 au 11 juin 1942, une sortie les armes à la main, en forçant l’encerclement ennemi, avec les combattants, les armes, les blessés, les véhicules encore en ordre de marche et l’équipement lourd.





L’ordre d’opération concernant la sortie de vive force, qu’on peut lire in extenso dans la plupart des ouvrages sur Bir Hakeim, est simple et succinct. En voici un résumé :
-         la sortie s’effectuera par la porte du BP1, près du fortin,
-         point de destination : balise 837 à l’azimut 213° 30’ à 11 km, avec recueil par la 7th DB,
-         dès la tombée de la nuit, le génie élargira à 200 m le passage au niveau de la porte sud, et déminera un passage pour les éléments à pied du Bataillon du Pacifique, à l’Est du fort,
-         les convois se formeront avant 23h00 dans la plus grande discrétion, en arrière de la porte de sortie, dans l’ordre :
- colonne 1, à 5 files, aux ordres du Cdt Champrosay : véhicules de combat, de commandement et les 16 ambulances lourdes avec les blessés, la Légion en tête,
- colonne 2, en arrière, à 5 files, aux ordres du Cdt Bourgeois : camions et véhicules lourds.
-         destruction silencieuse des stocks et des équipements ne pouvant être emportés, épandage des carburants (mission génie).

Le Sud de la position est l’objet d’un investissement moindre des assaillants, alors que la  pression est très forte sur les Mamelles et la porte Est, où l’ennemi est au contact immédiat et possède tous les éléments des tirs à déclencher sur nos positions en cas de mouvement, même de nuit. Toutes les unités connaissent bien le passage Sud, largement utilisé pour les mouvements des Jock Colonnes. Ce choix s’est donc imposé d’emblée.
Le Général Koenig table sur la surprise. Seuls quelques proches connaissent sa décision et les modalités choisies. L’ordre est finalement diffusé vers 16h00 le 10 juin, déclenchant les préparatifs de la sortie, dans une certaine confusion, car la situation devient très critique. La Compagnie Messmer, donnée en renforcement au BM2 pour contenir l’ennemi à hauteur des Mamelles, est submergée, liaisons coupées, la section Morvan est neutralisée, ainsi qu’une section de la Compagnie Nord-Africaine. La situation est rétablie sur le fil par l’action conjuguée des mortiers qui tirent leurs derniers 700 coups, et de la « cavalerie de la Brigade », les Bren Cariers du Lieutenant Dewey, qui s’engagent bravement au 25 contre les Panzers équipés de 105. Le lieutenant Jean Devé, dit Dewey, est un ancien de la Grande guerre, solide cheminot breton, militant de gauche, certains disent « communiste », officier de réserve de 48 ans, taciturne et courageux, unanimement apprécié. Retenez le nom de ce héros, nous en reparlerons plus loin.

L’accalmie est de courte durée. A 19h15, les Stukas reviennent pour le troisième bombardement de la journée avec plus de cent appareils qui pilonnent le point d’appui Nord. A la tombée de la nuit, le spectacle de Bir Hakeim est lugubre : véhicules en flammes ou détruits, blessés épars, combattants choqués, profonds bouleversements du site où les repères habituels ont disparu. Pourtant, à ce moment de la bataille, les pertes sont encore très faibles, moins de 100 tués et environ 120 blessés, démontrant l’excellence du concept défensif.

La nuit est noire. On n’y voit pas à plus de 5 mètres. La lune ne se lèvera que vers 4 h. Les sapeurs, qui ont reçu les ordres en fin d’après-midi, comme les autres unités, se lancent à l’aveuglette dans l’exécution de leurs missions. Tandis que la Compagnie du Capitaine Desmaisons répand sur le sol les 400000 litres des dépôts de carburant, le Capitaine Gravier avec le commando du génie divisionnaire et la section Léonetti se charge de la mission principale de déminage du champ de mines périphérique. 120 mines sont rapidement dégagées, mais on doit se rendre à l’évidence, les 200m prescrits ne sont pas réalisables, car de part et d’autre on se heurte à des amas de barbelés sur trois hauteurs, munis de boîtes de conserve pour donner l’alerte en cas d’intrusion.
Au double pas, Gravier mesure une ouverture de 57m (une quarantaine de mètres écrira le Gal Koenig dans ses mémoires). Il part avec le Caporal Leprince et son pick-up pour rendre compte à l’état-major. Il se perd dans la nuit noire, sur un terrain profondément bouleversé par les bombes, et ne se récupère qu’au moment du déclenchement de l’attaque, guidé par le bruit et les fusées éclairantes.





Le général et son état-major arrivent à la porte Sud à 23h15, et constatent les difficultés rencontrées par les démineurs. D’ailleurs le marais de mines en avant de la clôture n’est pas déminé. Le tracé en baïonnette de la piste de sortie, destiné à contourner le marais de mines, familier à beaucoup, n’est plus visible, puisque, en raison de la pression ennemie, son balisage a été soigneusement démonté il y a quelques jours.

Le 2ème Bataillon de Légion, qui doit sortir en tête, est en place. Derrière lui, les unités s’échelonnent tant bien que mal, les véhicules sont gênés par les cratères où certains chavirent, les unités s’emmêlent dans une certaine confusion.

A minuit, la Compagnie Wagner du 2°BLE se déploie à l’extérieur, épaulée par une section de Bren, une fusée éclairante se déclenche à hauteur de la première ligne de défense ennemie, en quelques minutes le ciel s’embrase, c’est fascinant. Le dispositif allemand se dévoile avec ses trois lignes successives vers 800, 1200 et 2000 m, jalonnées de nids d’armes lourdes espacés de 300 m environ, on reconnaît les 20mm, les mitrailleuses, les fusils mitrailleurs, bientôt les canons de 50. L’affaire est sérieuse. Il n’y a pas d’autre choix que d’aller de l’avant.

Le lieutenant Bellec guide les véhicules, saute sur une mine, s’extrait de son Bren, rejoint un autre véhicule qui saute à son tour, il est indemne, comme le Lieutenant-Colonel Amilakvari qui saute lui aussi. Le Capitaine Renard, commandant la compagnie de transmissions, a moins de chance , il est sérieusement blessé. Amilakvari rejoint la voiture du général qui s’est porté vers l’avant avec le Commandant Masson et une partie de l’état-major. Il semble inutile de poursuivre dans cette direction, à travers le marais de mines, jalonné déjà de plusieurs carcasses fumantes qui ajoutent à la confusion.

Le général décide donc de porter l’effort vers le Sud, en amorçant un mouvement initial parallèle aux lignes de défense ennemies. Bellec fonce à nouveau en tête, la colonne motorisée suit, non sans abandonner quelques véhicules en flammes, touchés par les tirs ennemis. Cette fois-ci, il passe. Il sera le premier à rejoindre la balise 837, d’où il organise le recueil.

1h30 du matin. Le temps presse. Le Général Koenig pense qu’il faut payer d’exemple et que le reste de la garnison suivra, emporté par l’élan. C’est pourquoi il décide de s’engager derrière Bellec, pour essayer de trouver une passe dans le dispositif ennemi, pour que le reste des véhicules s’y engouffre. Le buste largement à l’extérieur du toit ouvrant de son véhicule PC, une Ford Utility, le général guide son chauffeur, Miss Susan Travers, la seule femme de Bir Hakeim, en donnant des impulsions du pied sur ses épaules. Amilakvari est monté à l’avant, à côté de la conductrice, après la destruction de son propre véhicule, et guide à la boussole. Au milieu du fracas des explosions, Susan Travers progresse, évitant les obstacles, la Ford est touchée par de nombreux impacts, et finit par se retrouver dans le silence. Ils sont passés, indemnes ! Puis après diverses péripéties, ils se perdent dans la nuit, isolés. Masson, le chef d’état-major, est passé lui aussi et rejoint la balise de regroupement.


2h00 à la porte Sud. La situation est confuse. Seuls quelques 400 hommes ont été engagés, avec une cinquantaine de véhicules. Il reste 3000 hommes et plus de 200 véhicules entassés devant la sortie. Le temps presse. Les chefs manquent. Certains sont déjà sortis d’affaire, on l’a vu. Le commandant Champrosay (1er RA) et son adjoint, le commandant Bourgeois, sont occupés dans les colonnes dont ils sont responsables. D’autres sont étrangement absents.
Une douzaine d’officiers subalternes sont là, autour du Capitaine Gravier et du Commandant Savey, commandant le BIMP (1er BIM et BP) depuis la mort du Lieutenant Colonel Broche, le 9 juin. Savey est un officier de réserve, prêtre dominicain de la mission du Levant, il sera tué au cours de la sortie. Gravier propose d’engager les 4 dernières sections de Bren Carriers pour ouvrir la route, et les regroupe en avant. La section Dewey est en tête, Gravier embarque à côté de Dewey et donne l’ordre d’engagement. Il raconte :
« La traversée des lignes allemandes se fait sans encombre. Dewey tire avec son FM. Le passage d’une tranchée a failli être fatal. Les lignes allemandes franchies, une pause. La section est complètement dispersée dans le noir. Or on voit, vers la sortie, un véhicule qui brûle en éclairant tout le paysage, et il y a, là à droite, un canon de 50 qui tire sur tout ce qui sort et oblige les conducteurs à s’éloigner des lueurs en pénétrant dans le marais de mines. Il faut détruire ce canon. Gravier donne l’ordre à Dewey de faire demi-tour, le Bren retraverse les lignes et se trouve nez à nez avec le canon. Dewey saisit une grenade et se lève pour la lancer, Gravier reprend le FM et tire en fauchant. Les Allemands sont tués, mais ils ont tiré en même temps. Leur obus éclate sur le blindage, Dewey s’écroule, tué sur le coup, Gravier a reçu une vingtaine d’éclats dans la figure, l’œil droit crevé. IL faut dégager Dewey qui bloque les leviers de commande, mais ceci fait, le Bren refuse de repartir. Gravier, en sang, s’allonge sur le sol pour récupérer, tandis que le conducteur et son compagnon s’en vont vers leur salut… » Ils rendront compte de la mort de Dewey et de Gravier.
Gravier sera récupéré en fin de matinée, errant dans le désert, par une patrouille anglaise, et évacué sanitaire. Il faudra plusieurs jours pour que la 1ère BFL connaisse cette information.

A la suite de cette percée héroïque, le flot des véhicules s’engouffre dans le couloir libéré et rien ne pourra plus les arrêter, même si de nombreux sacrifices individuels seront encore nécessaires. Les ambulances du Médecin Vialard-Goudou, et les camions chargés de blessés sont passés…
Après ce récit, on comprend mieux les propos du Général Saint-Hillier : « Et puis sans vous, Gravier, on ne serait pas sorti de cet enfer !… »

La lune s’est levée en fin de nuit, et en même temps un brouillard épais s’est abattu sur le désert. Des survivants hagards errent, à la recherche du point de rendez-vous. Certains seront fait prisonniers. Le Général Koenig, lui-même, et son équipage, après avoir erré dans la nuit, s’égarent dans le brouillard matinal, et ne se récupèrent qu’en début d’après-midi sur la frontière Egyptienne, à Gasr el Abid, à 120 kilomètres de Bir Hakeim ! C’est dire la confusion de cette sortie mémorable.


Sur le plan stratégique, la sortie de vive force de Bir Hakeim a atteint ses objectifs, le Général Koenig a pris la bonne décision : le potentiel de la 1ére Brigade Française Libre a été préservé, puisque cette opération a permis de dégager 2400 combattants et environ la moitié du matériel et de l’armement de cette grande unité, qui s’illustrera encore pour la libération de la France. Symboliquement, le magnifique comportement de ses soldats pendant les 15 jours de la bataille et le panache d’une sortie de vive force à travers un dispositif ennemi extrêmement dense, à la barbe de Rommel qui attend le lever du jour pour cueillir le fruit mûr, constituent un capital moral d’une grande valeur, premier succès éclatant d’une France renaissante qui laisse entrevoir la victoire au bout d’un chemin encore long.

En revanche le bilan humain est lourd, avec la mise hors de combat de  plus de 1000 hommes pendant les 6 heures de la sortie de vive force. On ne saura jamais précisément l’effectif des tués et disparus de la sortie, qui se situe probablement entre 4 et 500, auxquels il convient d’ajouter les blessés, et de l’ordre de 500 prisonniers.

Au plan tactique, il faut bien admettre, avec le recul, que l’opération de sortie de vive force n’est pas la partie la plus réussie de la bataille de Bir Hakeim, ni dans sa conception, ni dans sa conduite. En voici quelques illustrations :

-         le concept de l’opération de sortie de vive force à travers les champs et les marais de mines a été arrêté par le général et son état-major sans consulter le commandant du génie, qui aurait certainement apporté un avis éclairé sur les mesures à prendre et les délais à consentir,
-         l’ordre donné au génie est pour le moins bizarre : élargir à 200m la porte ménagée dans le champ de mines périphérique. C’est méconnaître le goulet d’étranglement entre le redent du marais de mines et les ouvrages de protection du fortin, sur lequel cet élargissement débouche directement, et qui, en plus d’un tracé en baïonnette dont le balisage a été supprimé, ne mesure pas plus de 20 m. D’autant plus que le déminage du marais de mines n’a jamais été envisagé, le Général Koenig le confirme dans ses mémoires.
-         la disposition préparatoire des colonnes de véhicules sur cinq files face à la sortie est tout aussi contradictoire avec la largeur du goulet. Tout comme l’est l’affirmation, reprise dans divers ouvrages, selon laquelle la sortie a été gênée par l’ouverture trop étroite réalisée par les sapeurs, nécessitant de passer colonne par un : les 5 files de chaque colonne auraient très bien pu passer de front dans les 57 m ouverts par Gravier. On voit bien que le problème n’est pas là, et qu’une simple reconnaissance sur le site aurait conduit à préciser ces ordres fantaisistes.
-         au plan de l’organisation du commandement, on apprend à l’Ecole de guerre qu’une telle opération nécessite la mise sur pied, dès la phase préparatoire et pour toute la phase de conduite, d’un PC tactique ou d’un PC avancé, chargé de coordonner les actions et placé au point le plus favorable, en l’espèce près de la porte Sud choisie pour la sortie. On a vu clairement où mène l’absence d’un tel relais du commandement.

Le général Simon, lieutenant de Légion à Bir Hakeim, me confiait à l’occasion du 60ème anniversaire de la bataille, en juin 2002 : « Nous avons eu vraiment beaucoup de chance de nous en tirer à si bon compte !… » On comprend mieux pourquoi…

Ainsi le génie de Bir Hakeim a été exemplaire tout au long de la bataille, dans la préparation de la forteresse du désert, dans la conduite de la bataille, aussi bien que dans la sortie de vive force. La fierté légitime qui en découle pour le sapeur explique aisément la réaction violente du Capitaine Gravier, lorsqu’il apprend, sur son lit d’hôpital, que l’état-major de la 1ère BFL essaie de lui faire porter la responsabilité des cafouillages de la sortie de vive force, le croyant mort sur le terrain. On ne se comporte pas comme cela entre soldats ! Le Général de Larminat, qui connaît bien Gravier, mène sa propre enquête, et n’a aucune difficulté à dégager totalement sa responsabilité, tout en prenant connaissance de sa conduite héroïque au cours de la sortie. Il le propose pour la Croix de la Libération, qui lui est remise par le Général de Gaulle à Beyrouth, le 12 août 1942. Par la suite, Larminat s’est toujours intéressé à Gravier et l’a recommandé à Leclerc comme commandant du génie de la 2ème DB, poste où il a servi jusqu’à la fin du conflit.

Au moment où j’écris ces lignes, le Colonel Gravier, légitimement fier de l’épopée vécue aux avant-postes du génie de la France Libre, persuadé que la vérité finira par prévaloir, cultive la sérénité et l’apaisement dans une maison de retraite près de Nancy. C’est là qu’il me confiait cette conclusion pleine de sagesse, à l’évocation de ses démêlés avec le Général Koenig : « Oh, vous savez, c’était la guerre, c’était dramatique, Koenig faisait ce qu’il pouvait, comme nous tous… »
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