3 juin

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3 juin

L'Histoire
Mercredi 3 juin

L’aube commençait à peine à poindre que, trompant la surveillance des postes ennemis, la colonne envoyée à Segnali est rentrée à bir-Hakim sans voir reçu un coup de feu. La journée de la veille n’avait pas été aussi facile. On apprend que c’est par un temps épouvantable, le vent de sable empêchant de voir à plus de quelques mètres, que le Colonel commandant la colonne avait reçu le télégramme lui enjoignant de regagner la position. Il fallut à la colonne plusieurs heures pour retraverser les champs de mines et elle se trouvait encore à cinquante kilomètres de Bir-Hakim au crépuscule quand le vent tomba, ce qui permit à l’aviation adverse de la découvrir et de l’attaquer violemment. Douze Messerschmitt 110 piquent sur nos véhicules et les mitraillent, mais une pièce de D.C.A., servie par des fusiliers marins qui utilisent pour la première fois leurs Bofors contre des avions ennemis, abat un des appareils. Les onze reviennent, cette fois en rase motte, concentrant leur feu sur nos canons. Du premier coup un second appareil est touché. Il bascule et en s’abattant touche de son aile l’appareil qui était à côté de lui qui tombe en même temps ; l’un explose dans l’air. Les avions volaient si bas qu’un moteur frôle la tête des servants du canon; ils sont aspergés d’huile chaude. A quelques mètres plus loin, l’aile de l’avion qui percute au sol coupe en deux un camion. Une troisième fois les Messerschmitt reviennent à la charge : un quatrième appareil est atteint et tombe en flammes. L’ennemi a compris ; il s’éloigne, mais son attaque a coûté cher à la colonne qui a des tués et des blessés et dont plusieurs véhicules brûlent.



The "Jock column"




Patrouilles de reconnaissance depuis Bir-Hakeim


Vers sept heures, le colonel qui commandait la colonne est venu rendre compte de sa mission au quartier Général. Il passe dans son side-car sur lequel est peint l’insigne du bataillon qui est sous ses ordres : un cocotier et des montagnes qui évoquent les îles du Pacifique, dont lui et ses hommes sont partis, il y a un an. Les soldats qui le voient le saluent et manifestent leur joie. Ils savent , qu’avec la colonne, il y avait deux canons de 75, que ces canons sont rentrés et qu’ils seront une aide précieuse dans la bataille qui va venir. A huit heures, deux soldats britanniques se sont présentés à la porte Est. Faits prisonniers la veille , ils avaient été renvoyés par les Allemands à Bir-Hakim pour y apporter un message du général Rommel.

Afin d’être bien sûr qu’ils parviendraient à destination, le Général allemand avait fait deux copies respectivement remises à chacun des deux soldats. Le message était écrit sur du papier pour télégramme. Rédigé en allemand, il était signé de la propre main du Général. Son texte était le suivant :

« Aux troupes de Bir-Hakim
Toute nouvelle résistance n’amènerait qu’à verser le sang inutilement. Vous auriez le même sort que les deux brigades anglaises qui se trouvaient à Got Ualeb et qui ont été exterminées avant-hier.
Nous cesserons le combat dès que vous hisserez le drapeau blanc et viendrez vers nous sans armes. »


La réponse du Général Koenig ne s’est pas fait attendre. Les batteries françaises ont ouvert immédiatement un feu nourri sur tous les véhicules ennemis qui viennent à portée. En même temps, le Général fait porter à tous les commandants d’unités un ordre général dont ils doivent communiquer la teneur à leurs hommes.

Voici le texte de cet ordre :
« 1) Nous devons nous attendre désormais à une attaque sérieuse, par tous les moyens combinés (aviation, chars, artillerie, infanterie); Elle sera puissante.
2) Je renouvelle mes ordres et ma certitude que chacun fera son devoir sans faiblir, à sa place, coupé ou non des autres.
3) Notre mission est de tenir coûte que coûte, jusqu’à ce que notre victoire soit définitive.
4) Bien expliquer cela à tous, gradés et hommes.
5) Et bonne chance à tous.
Quartier Général, le 3 juin 1942, 9 h 30
Kœnig »


Cette fois, chacun comprend que la situation est sérieuse. Le moment est venu est venu de faire son devoir sans faiblir ; tous sont résolus à accomplir avec tout leur cœur et toutes leurs forces leur tâche de soldat. L’occasion avait été longtemps attendue de pouvoir affronter le vrai ennemi, l’Allemand que ces hommes sont venus rencontrer, partant de tous les coins du globe, après des voyages aux fortunes diverses, dont certains furent une véritable aventure. Nulle forfanterie, nulle nervosité; mais une résolution calme et un courage tranquille. Commandée par un chef en qui elle a une confiance absolue, se battant sur un emplacement dont la défense a été soigneusement et judicieusement préparée, sans que, dans la mesure du possible, rien n’ait été laissé au hasard - (les points faibles : manque d’artillerie lourde à longue portée, absence d’un réseau de barbelés contre une attaque d’infanterie, parce qu’en raison du manque de matériel, le commandement n’a pu y remédier) - la première Brigade des Forces Françaises Libres sait que l’heure a sonné, elle va pouvoir donner sa mesure, chacun est décidé à lutter jusqu’au bout plutôt que de reculer ou de se rendre.

La journée s’est passée en duels d’artillerie. Le nombre des batteries ennemies a augmenté et aussi la variété de ses calibres. Il y avait du 75, du 88 et du 105. Les avions ne manquèrent pas de rendre visite à Bir-Hakim. Par cinq fois dans la journée les Stukas vinrent. On les reconnaissait au loin au son de leurs moteurs plus grave que celui des avions britanniques et coupés d’interférence caractéristique. Quelques minutes après on les distinguait volant en V, leurs ailes d’un blanc verdâtre se touchant presque. Ils faisaient un tour afin de se placer le soleil dans le dos. Alors c’était le bruit sec des canons de la D.C.A. dont les obus traçants faisaient dans le ciel des traits roses et soudain les avions ennemis piquaient dans un bruit grandissant de moteurs. A deux cents mètres, on voyait les bombes se détacher comme des perles brillant dans le soleil. La trajectoire pouvait être repérée plus ou moins et , suivant l’endroit, on s’aplatissait dans la tranchée, ou on regardait, quelques secondes après, s’élever du sol de hautes colonnes de poussière et de fumée. Les oreilles étaient assourdies par le vacarme des éclatements, qui faisaient une basse au concert des canons et des mitrailleuses tirant toujours sur les Stukas, qui reprenaient de la hauteur et s’éloignaient au plus vite.
Plusieurs fois aussi on entendait le bruit plus aigu des moteurs des chasseurs britanniques. Entre eux et les Stukas c’était un perpétuel chassé-croisé. Mais aujourd’hui, vers cinq heures du soir, dix minutes après une visite d’avions amis, les Stukas sont venus bombarder au moment où les britanniques repassaient sur Bir-Hakim. Les bombardiers en piqué sont sans défense contre la chasse. Nous avons vu les douze Stukas descendre et essayer d’échapper en volant en rase motte et en effectuant des glissades sur l’aile. Sept colonnes de fumée noire qui s’élevèrent cinq minutes plus tard sur les crêtes à l’Ouest prouvèrent que les Kittyhawk avaient fait de la bonne besogne et que plus de la moitié des aviateurs allemands ne reverraient jamais l’aérodromes dont ils s’étaient envolés pour la dernière fois. Quelques uns des chasseurs anglais revinrent en volant bas sur Bir-Hakim ; brandissant leurs casques au bout de leurs bras tendus, les soldats français démontraient leur satisfaction et saluaient les aviateurs alliés.
A ce jour, 143 militaires français sont morts pour la France en Afghanistan, en Somalie, au Mali ,au Levant et en Centrafrique
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